Grande Guerre et grandes vacances
Dans le cadre du cycle « 1918-2018 Le Grand Chambardement »
Grande Guerre et grandes vacances
Conférence de Antoine Compagnon
Professeur au Collège de France
Littérature française moderne et contemporaine,
« Quatre ans de grandes vacances », ainsi Raymond Radiguet qualifiera, en 1923, ses années de guerre dans Le Diable au corps, récit d’une liaison entre un adolescent et la jeune femme d’un soldat retenu au front. Ses camarades de son âge, épargnés par la conscription, garderaient de cette époque, disait-il, « un souvenir qui n’est pas celui de leurs aînés ». Pourtant, une fois que le rythme ordinaire de la guerre fut devenu celui de longues journées d’attentes désœuvrées et monotones (au repos, au cantonnement, mais aussi dans les tranchées), interrompues par de rares actions précipitées (et désastreuses), la nouvelle routine, trois ou quatre jours en première ligne suivis, normalement, d’une période de repos à l’arrière-front, représentait pour des travailleurs invétérés une libération imprévue et déroutante des contraintes du labeur journalier. La guerre, c’est beaucoup d’attente, beaucoup d’ennui, et peu d’action. D’où le sentiment, chez les poilus, de vivre un temps de vacances. Pour beaucoup de jeunes Français, la guerre a été la découverte du loisir : lecture, cinéma aux armées, football, toutes activités encouragées pour maintenir le moral.
A propos du conférencier
Antoine Compagnon
Antoine Compagnon, né le 20 juillet 1950 à Bruxelles, est un historien de la littérature français. Spécialiste notamment de Marcel Proust, il mène plusieurs carrières dont celle d'enseignant, de romancier et... Lire la suite